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Un dilemme s’est imposé à moi ces dernières semaines… et sans le regretter pour autant, je dois avouer que je suis coupable de l’avoir résolu en pensant à moi un peu avant vous, chers lecteurs.

C’est que cet automne culturel fut si foisonnant à Montréal que j’ai souvent dû choisir entre aller voir des pièces de théâtre, des films, des spectacles de danse et des expositions, ou vous en parler à temps dans mes chroniques, plus rares ces temps-ci, comme me le fait remarquer la boss.

Mais rien n’est perdu. J’ai vu des oeuvres si belles et découvert des artistes si marquants que je suis maintenant à l’affût de toute supplémentaire, tournée ou spectacle à venir que vous ne pouvez pas rater.

Découverte(s) Cinars

Mon premier exemple est le chorégraphe Frédérick Gravel, que j’ai vu (et revu) dans le cadre de la biennale Cinars 2016. D’abord à travers Ainsi parlait…, une oeuvre mêlant théâtre et danse à La Chapelle dont les textes puissants mais drôles d’Étienne Lepage accompagnaient la chorégraphie déjantée de Gravel. Mais surtout, c’est le spectacle This Duet That We’ve Already Done (so many times) qui m’a soufflé. 

Je n’ai pas été si touché par un spectacle de danse depuis Un peu de tendresse, bordel de merde! de Dave St-Pierre (qui nous présente une nouvelle pièce ce printemps avec Danse Danse… je vous en repalerai assurément). J’ai vu défiler dans This Duet mes 20 ans de vie amoureuse en 75 minutes. La rencontre entre un homme et une femme, la parade séductrice, l’inhibition suivie du désir qui éclate, la folie, la furie, la réconciliation, l’amour éclair et l’amour long… puis un accompagnement musical qui a mis la dernière goutte d’émotion, et pour moi la première goutte aux yeux ever pendant un spectacle de danse.

Alors pour celui-là, je reste très alerte pour vous. S’il repasse à Montréal, et même à Québec ou Ottawa, j’insisterai pour que vous fassiez le déplacement. Vous ne le regretterez pas. La biennale Cinars, grande rencontre internationale des arts de la scène, et surtout son volet off-Cinars, nous auront fourni en cette 17e édition de nombreuses découvertes d’ici et d’ailleurs – 1500 participants de 40 pays, dont 621 artistes – et si d’autres oeuvres qui m’ont marqué reviennent, je vous le dis aussi (sur mes réseaux sociaux du moins… @burnhamjonathan).

Next!

Tentacle Tribe, Norrlandsoperan

Je viens de vous parler rapidement de Danse Danse. Eh bien ils nous ont présenté un petit bijou de duo avec ce « Fractals of you » de la compagnie montréalaise Tentacle Tribe. Pour la petite histoire, ce n’est pas la première fois que je regarde danser Emmanuelle Le Phan, chorégraphe et interprète (avec Elon Höglund) de cette oeuvre. J’étais l’un des garçons d’honneur au mariage de son cousin cet été, et disons qu’elle faisait vivre la piste de danse plus (esthétiquement) qu’au commun des mariages.

Ici, on a aussi eu droit à plus que de la danse. De l’art visuel et numérique se fondant si bien à la chorégraphie, j’ai même perçu dans la chorégraphie de l’introspection bouddhiste et de la mathématique avancée, le tout bien teinté de l’influence street et hip hop de Tentacle. Comme il s’agit d’une troupe montréalaise, et qu’Emmanuelle est presque de la famille, je pourrai vous dire quand ils redansent près de chez vous.

Un automne théâtral à saveur Larry Tremblay

Il ne vous reste qu’aujourd’hui pour aller voir Le Joker de Larry Tremblay, au Quat’sous, théâtre que je redécouvre ces derniers temps et auquel je m’attache de plus en plus. Il s’agit de la dernière mise en scène d’Eric Jean dans son rôle de directeur artistique du précieux théâtre de l’avenue des Pins. Un cadeau d’au revoir qu’il se fait et qu’il nous fait.

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Mystérieux et tragi-comique, Le Joker nous précipite dans une nuit étrange, où s’accélèrent et se bousculent les rêves, les pulsions et la quête identitaire d’une famille désarticulée. La mort et la vie s’y mêlent et nous font nous questionner sur ce qu’est véritablement l’une et l’autre. Celle qu’il vaut mieux bien choisir et dans laquelle il faut mordre à pleines dents. Les billets ne sont plus disponibles en ligne mais à la porte. Ou encore appelez, pour voir : 514-845-7277

Dans une autre pièce de Tremblay, à l’affiche un peu plus tôt cet automne à La Licorne, Le garçon au visage disparu, certains de ces mêmes thèmes se retrouvaient bien présents… et malgré la mort, l’épouvante, le froid, on en ressortait bien amusé. Ca a toujours été l’une des forces de Larry Tremblay, je trouve. Trouver le beau dans le laid. Le chaleureux dans le froid. De la vie chez un zombie. L’espoir dans la guerre… de ça, je vous reparle un peu plus bas.

1984 – un des grands classiques littéraires du 20e siècle

Une pièce percutante que vous pouvez (devriez) aller voir au théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 16 décembre (une supplémentaire a été ajoutée le samedi 9). « Cette adaptation théâtrale, d’une redoutable efficacité, tire le suc du roman culte de George Orwell. Elle met en évidence la société de surveillance, la réduction des libertés individuelles mais aussi tous les mécanismes mis en place par l’homme pour cadenasser la pensée. » La guerre perpétuelle, les écrans omniprésents, rappelant le panoptisme cher à Foucault, et l’inquiétude oppressante se dégagent vraiment de la mise en scène d’Edith Patenaude, qui m’a replongé dans toute l’angoisse que j’ai ressentie à la lecture du livre en secondaire 4 ou 5 dans mon cours d’anglais. J’étais très content de dépoussiérer mon souvenir de certains détails du livre, mais que vous ayez lu ou pas cet urgent roman, je vous intime de vous rendre voir la pièce (dont la première était le lendemain de l’élection américaine, ajoutant grandement à mes frissons). Car…

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Claude Poissant, le directeur artistique du TDP connaît bien Larry Tremblay (dont je viens de vous parler juste avant). C’est lui qui m’a fait rencontrer l’oeuvre de ce prolifique dramaturge, d’ailleurs, alors qu’il était toujours au Théâtre PaP. Il dresse un parallèle entre Tremblay (qu’il a mis au programme la saison dernière avec L’Orangeraie) et Orwell.

« Pour moi, ce qu’il y a d’intéressant entre les deux traitements de la guerre, c’est la manière très différente de traiter le sujet. Dystopie sci-fi pour Orwell alors qu’il parle de la dictature ambiante, il la transporte plus loin dans le temps et rend cette guerre incrustée en nous. Alors que Larry crée une fable dans le temps présent sur le temps présent. » Il nous montre « l’enfermement en pleine nature. C’est comme si à l’intérieur de nous autant qu’à l’extérieur, en regardant ces deux œuvres, la liberté d’être et de penser restait lettre morte. Mais les deux œuvres ont de l’espoir. L’une [1984] dans la lumière et la conscience, l’autre [L’Orangeraie] dans l’enfance et l’éducation

Et moi, je suis un homme fait d’espoir alors ce 1984 (et même ce président Donald) ne sauront m’abattre. Mais restons vigilants, comme Orwell l’était, ou comme Camus ou tant d’autres.

Passons au cinéma…

Mademoiselle (The Handmaiden)

Le dernier film présenté dans le cadre de l’incontournable (pas de superlatif non mérité ici, ou ailleurs dans mes textes, soit dit en passant; je pèse toujours bien mes mots!) Festival du Nouveau Cinéma, en sa 45e édition cette année, Mademoiselle est celui parmi la douzaine de longs métrages que j’y ai vus qui m’a le plus ébranlé. C’est même l’un des très beaux, plus beaux en fait, films que j’ai vu de ma vie. Puisqu’il n’est plus à l’affiche dans nos salles, je vous recommande vivement de vous le procurer où vous pourrez (encore une fois, je veille au grain car j’aimerais beaucoup le revoir avec ma chérie, qui n’a pu m’accompagner ce soir-là).

Il s’agit du plus récent opus de Park Chan-wook (Old Boy ou encore Thirst: ceci est mon sang), l’un des réalisateurs au coeur du renouveau cinématographique coréen (on en a d’ailleurs eu d’autres beaux exemples au FNC). Le film en quelques mots : une richissime recluse, un oncle pervers, une servante futée, un escroc antihéros : Park Chan-wook nous plonge en plein thriller érotique (ouf! des scènes inoubliables par leur beauté) dans la Corée des années 30.

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Focus : Perfection 

Exposition qui ne pourrait être mieux nommée. En cours au Musée des Beaux-Arts, cette expo sur la puissante oeuvre photographique, et même philosophique, de l’illustre Robert Mapplethorpe vaut véritablement le détour. Le MBAM présente, en exclusivité canadienne, la première grande rétrospective de ce photographe en Amérique depuis près de 30 ans.

Couvrant toute la carrière de Mapplethorpe, depuis ses premières productions de la fin des années 1960 jusqu’à sa mort prématurée en 1989, près de 300 œuvres jettent un nouvel éclairage sur ses genres stylistiques de prédilection : le portrait, le nu et la nature morte.

Le tout est présenté à l’aide de thématiques fortes et frappantes, dont celle de sa relation avec la poétesse et musicienne Patti Smith.

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La sculpturalité du corps

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Ou encore la sexualité et l’identité. Section intense mais cruciale de l’exposition, et très bien mise en place afin de ne pas craindre de la traverser avec les plus jeunes puisque le couloir qui sépare ce segment des plus fascinants présente des oeuvres tout aussi magistrales : les exquises natures mortes florales de Mapplethorpe.

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Nous sommes si chanceux d’avoir ce musée en pleine expansion à Montréal; d’ailleurs il faut prendre quelques heures de plus, ou une autre fois, pour aller visiter le tout nouveau pavillon pour la Paix Michal et Renata Hornstein comme je l’ai fait déjà à deux reprises.

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Gloucester… délire shakespearien à glousser de rire

« Après une victoire sanglante contre les Écossais, Édouard, roi d’Angleterre, partage le royaume d’Écosse en trois parts entre ses généraux Gloucester et York, ainsi que son épouse, Goneril. La reine, qui espérait devenir régente unique de l’Écosse, nourrit d’ambitieux projets de vengeance. Avec la complicité d’Edmond, un des fils bâtards d’Édouard, elle manigance un plan machiavélique ayant pour but de semer la discorde entre Gloucester et York.

Comédie folle et débridée, cette pièce est une fresque hilarante inspirée de multiples chefs-d’œuvre de Shakespeare. »

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Pas obligé de connaître tout Shakespeare pour trouver drôle cette pièce de Simon Boudreault et Jean-Guy Legault si riche en références et rodée au quart de tour. L’impressionnante mise en scène est de Marie-Josée Bastien, assistée d’Amélie Bergeron. Ça peut même s’avérer une très belle introduction au barde anglais pour les adolescents (je ne dis pas les enfants car la 2e partie devient un tantinet plus osée, disons). N’hésitez surtout pas. C’est à la 5e salle de la Place-des-Arts que ça se passe, jusqu’au samedi 17 décembre. Et pour les billets, c’est ici.

Bon je crois que ça fait le tour. Ce fut un peu long, mais un réel plaisir à documenter et compiler pour vous amis lecteurs.

Go!

Jonathan -xx-

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Jonathan a eu la piqûre mode tardive, à force d’accompagner sa blonde (brune, rousse, rose) Lolitta dans ce monde en perpétuel mouvement qui lui a permis de faire de fascinantes rencontres et découvertes. Passionné d’écriture et grand amateur d’art et de culture, Jonathan signe les articles culturels du blogue. Il est aussi le chroniqueur mode et beauté masculine de Fashion Is Everywhere, et se compte bien chanceux d’être le seul gars de l’équipe, entouré de quatre extraordinaires collaboratrices. Il est aussi le réviseur et traducteur du blogue... faque s’il y a une faute, c’est de sa faute! Ah oui! Il trippe golf ;)